ASSOCIATION HUMANITAIRE AKAMASOA
Reconnue d’Utilité Publique par décret du gouvernement N° 2004 – 164 du 03 février 2004
Chers amis !
Il n’est jamais facile de donner un compte rendu annuel, à vous qui nous faites confiance et nous aidez à continuer l’œuvre d’AKAMASOA en faveur des milliers de familles et d’enfants malagasy. Nous ne sommes pas isolés ; nous subissons toutes les conséquences néfastes des irresponsabilités de ceux qui dirigent le pays. Nous voulons néanmoins, tous les ans, dire la vérité telle que nous la voyons à partir du niveau le plus bas, là où vivent des milliers de personnes oubliées par leurs gouvernants et abandonnées à leur propre sort. Pour celui qui a des yeux et un peu d’esprit et d’humanité, ce désistement prend des proportions scandaleuses.
C’est aussi l’occasion pour nous de nous situer et de chercher les vraies solutions aux maux qui provoquent l’injustice et le désespoir chez les citoyens, et, plus généralement, à ce qui fait que le pays ne démarre pas comme le peuple le souhaiterait, pour enfin décoller de la misère vers une vie plus juste, un monde plus humain qui donnerait l’envie de se dépasser et de préparer un avenir meilleur pour les enfants qu’on a mis au monde.
Si nous regardons en arrière vers cette année 2015, et à AKAMASOA seulement, nous voyons que nous continuons d’avancer. Nos bâtiments scolaires et sanitaires étant hauts de plusieurs étages, chaque année les nouvelles constructions donnent l’allure d’une ville à ce qui autrefois était un petit hameau.
Mais nous devons sans cesse affermir l’entraide, ce qu’on appelle à Madagascar le Fihavanana, l’entraide de tous les voisins, des villageois, cette valeur aujourd’hui très attaquée par la vie facile de la capitale, par la mentalité individualiste du chacun pour soi et l’indifférence au bien commun, vraies maladies qui rongent toutes les couches de la société. Si à AKAMASOA nous avons pu ressurgir, nous soulever et nous mettre debout, c’est grâce à cette entraide, à l’amitié et à la solidarité, grâce à cet esprit communautaire que nous avons semé tout au début de notre travail il y a 26 ans.
Parmi les responsables de cette perte des valeurs ancestrales, certains artistes et chanteurs d’aujourd’hui qui démobilisent les jeunes. Tout un climat qui a produit une défection dans le asam-pokonolona (travail de bien commun) : il faut menacer les gens de ne pas recevoir des bienfaits de la communauté, quand autrefois on venait par conviction et amour de son village et de sa Patrie. Et plus on monte l’échelle sociale, plus l’insouciance grandit. Le tissu ancestral et la culture millénaire qui ont formé un peuple, ont soudé toute une tribu, se dissolvent. Déjà les parents n’osent plus donner de conseils à leurs enfants ; les éducateurs de même ; les élus restent muets face à la dégradation sociale de leur commune. Personne n’ose élever la voix pour défendre le bien public, le bien communautaire, le bien de tout un chacun.
Cette peur de s’engager, de dénoncer, de dire la vérité, est un fait. On se demande : mais qui va oser élever la voix ? On se demande et on attend. Et pendant ce temps les choses se dégradent continuellement. On voit partout la saleté et les ordures qui s’amassent ; des caniveaux bouchés que personne ne débouche ; des gargotes qui surgissent partout, sans aucune permission, et vendent, même si la personne qui vend est atteinte de tuberculose ; des épiciers qui n’hésitent pas à casser le trottoir pour faire un escalier afin que les gens montent plus vite chez eux, et tant pis pour le trottoir cassé. Cela signifie que l’individu se pense dans son droit, sans aucun devoir envers la communauté.
N’ayant pas d’objectifs clairs, les responsables communaux n’affichent pas ce qu’ils veulent faire de leur ville, quelle cité ils veulent créer, quelles valeurs de société ils veulent promouvoir ; les communes avancent à tâtons, sans direction. Les gens ne savent pas où aller.
Il est temps que cela cesse. Il est temps que des responsables de l’Etat, à partir du niveau le plus bas, commencent, avec leurs conseillers, à éclaircir le chemin et à exiger un minimum de comportement citoyen, un minimum de respect du bien public. Il est nécessaire que ces voix individuelles, qui ne cherchent que leur bien, soient contrées publiquement, soient même dénoncées devant la loi. Mais pour cela il faudra beaucoup de courage de la part des citoyens qui aiment leur pays, leur village. Et il faudra aider ces personnes à oser davantage, parce qu’elles sont plus nombreuses qu’on ne pense, mais souvent petites, sans voix, elles n’osent pas se montrer et dénoncer publiquement les exactions de quelques voleurs, de quelques personnes sans scrupules et sans états d’âme qui profitent de fonctions auxquelles ils se sont haussés sous prétexte de servir et qui en fait exploitent leur propre peuple.
Mais puisque tout n’est pas tout à fait négatif – la preuve, c’est que des familles, des parents, des jeunes, des enfants, luttent, veulent vivre avec un idéal et respectent la vérité, qui est le socle de leur engagement –, nous voulons maintenant vous informer sur les travaux réalisés pour le plus grand bien de la couche sociale la plus humble de ce pays.
Réalisations 2015 :
Bâtiments : 103 logements à Antananarivo – Extension du Centre d’Accueil – 29 maisons en bois à Ampasika – 1 salle de réunion, 10 toilettes et douches, 1 réservoir d’eau au complexe sportif de Bemasoandro – 1 bureau de directeur et une salle de professeurs au collège de Safata – 1 petit marché à Safata – 2 réservoirs d’eau à Antolojanahary – Une centaine de latrines – 1 bac pour le tri des ordures ; Routes : constructions de routes pavés (avec caniveaux) : 300 m/l à Bemasoandro, 300m/l à Mangarivotra, 400 m/l à Mahatsara – Goudronnage : cour du lycée Manantenasoa (467 m2), 2 terrains à Andralanitra, route de Bemasoandro, terrains de basket et volley à Bemasoandro, route d’Antaninarenina (455 m2), parking église Manantenasoa (73 m2) ; Aménagement : clôture ESP Tolotra – mur de soutènement Mangarivotra et montée de Bemasoandro ; Réhabilitation : enduit de 66 logements à Antananarivo – cuisine du Centre d’Accueil – école d’Antolojanahary ; Reboisement : 15.000 arbres plantés à Antolojanahary ; Confection : 550 tables-bancs pour les écoles – 100 lits pour le Centre d’Accueil – Accueil : 44.177 personnes passées par notre Centre (soit 6.000 de plus qu’en 2014).
Projets et Prévisions pour 2016 :
Construction : 100 logements à Andralanitra, Mahatsara, Manantenasoa, Ambohimalaza – 2 Ecoles Primaires : Mahatsara et Andralanitra – 2 Maternités : Morondava et Manantenasoa – 100 latrines et douches à Ambaniala, Ankadiefajoro et Tsaramasoandro – Terrains de jeux mini foot et basketball pour les jeunes à Tsaramasoandro, Cité Akamasoa, Manantenasoa, Lovasoa – 5 lavoirs communautaires et 5 bacs à ordures Lovasoa, Mahatazana, Bemasoandro – 1 Lycée au centre du pays et 1 Collège à Ampitafa – Finition : Ecole Primaire de Mahatazana, Collèges de Mahatsinjo et d’Andralanitra – Maison d’accueil à Ranomafana et bureau des directeurs-salle des professeurs à Safata – Routes et murs: route pavée de 1000 m – Bitumage à Bemasoandro, Andralanitra – Plusieurs murs de soutènement à Lovasoa, Mahatazana – Eau : Bétonnage d’un cours d’eau à Lovasoa – Adduction d’eau et bornes fontaines pour Lovasoa, Bemasoandro, Mangarivotra, Mahatsara et Antolojanahary – Reboisement : Plantation de 20.000 arbres à Antolojanahary et Ambohimalaza – 4 réservoirs d’eau de 64 m3 – Electrification des villages d’Antaninarenina, Ambaniala et Manantenasoa –– Confection de 1.000 tables bancs pour nos écoles – Peinture des écoles d’Andralanitra, Mahatsara et Mahatsinjo – Enduits de 150 maisons d’Andralanitra, Ambaniala, Mahatsara – Elargissement du centre d’Accueil de Mangarivotra : maison à étage + 20 latrines et douches pour les nouveaux arrivés.
Nous nous attaquons à la nouvelle année avec un nouvel esprit de combat, afin de corriger les manquements à la parole donnée et de restaurer la confiance qu’à AKAMASOA nous avons créée, et qui, plus forte que l’aide financière que nous recevons, est le moteur de notre développement et de notre progrès.
Nous continuerons de promouvoir la créativité de nos jeunes, afin que chacun puisse, là où il vit, être agent de son propre avenir. Nous sommes conscients de la richesse énorme qu’enferment ces presque 13.000 enfants scolarisés à AKAMASOA. Mais pour que cette richesse fructifie, elle doit être dirigée intelligemment, afin que l’esprit s’extériorise, partage et déploie son inventivité autant dans la culture, dans l’art, que dans la relation humaine, le savoir-faire et le savoir-vivre. Là est le rôle de nos éducateurs.
Nous devons aussi relever ce climat de morosité et de pessimisme qui voudrait envahir même nos familles ; combattre les maladies qui infectent les villages pauvres ; réinstituer un sens civique, dont le manque est criant dans des domaines aussi divers que celui de la circulation routière – des accidents sont relatés quotidiennement par les journaux – ou des travaux communautaires (asam-pokonolona). Dans ce dernier cas, il faut rétablir le partenariat et le besoin mutuel des personnes, réprimander les vols, les astuces, tout ce qui est susceptible de briser l’entente et le lien. Le partenariat, au plus haut comme au plus bas niveau, doit se baser sur le respect réciproque, la vérité, l’honnêteté ; c’est seulement ainsi qu’on peut prévoir un développement rapide de la société et de tous les bas quartiers.
Il faut aussi faire un effort plus important en ce qui concerne la protection sociale, celles des femmes seules avec de nombreux enfants, des personnes âgées et des handicapés qui, aujourd’hui, sont totalement inexistants. Sans aucune protection sociale, il est impossible de créer une société juste, qui se respecte et veut progresser.
Des bombes à retardement couvent dans plusieurs domaines : des milliers de jeunes diplômés n’ont pas de travail ; la constante augmentation des vols à main armée par des bandes organisées : les jeunes n’ont plus d’objectif dans leur vie et n’hésitent pas à voler et tuer leurs compatriotes, ce qui était inimaginable il y a seulement 40 ans. L’Etat, sa police, sa gendarmerie, avec l’aide du Fokonolona, doivent travailler à créer la paix sociale, afin qu’on puisse respirer et vivre normalement. L’instabilité sociale est devenue un obstacle à la venue d’investisseurs de l’extérieur. Les bas quartiers et beaucoup de villages manquent d’eau potable, de lumière et de visibilité, ce qui aide les malfaiteurs à sévir ; les agriculteurs manquent d’appui : depuis l’Indépendance, ils se battent seuls contre vents et marrées pour pouvoir seulement exister et vendre un peu de leur production, dont ils ont eux-mêmes besoin pour survivre. Ils représentent pourtant plus de 70% de la population active. Une aide massive devrait leur être octroyée.
Les élections communales de l’année passée donnent un nouvel espoir. Puisse la sagesse divine et ancestrale illuminer les nouveaux élus pour qu’enfin ils s’engagent aux côtés de leurs citoyens et montrent une véritable volonté de changer les vieilles attitudes des profiteurs, en construisant des objectifs qui servent le bien public. Que les gens sachent qu’on s’occupe d’eux et qu’on avance vraiment. Qu’ils voient des réalisations concrètes.
Nous voudrions surtout donner l’exemple à AKAMASOA que tous les travaux de bien public doivent se faire par le chemin le plus court et le plus vite possible, car les pauvres sont fatigués d’attendre, ils ont besoin de voir des travaux qui se font à leur bénéfice. C’est pour cela qu’au moins à AKAMASOA, nous allons combattre toutes les démarches administratives et inutiles, qui ralentissent le développement et le progrès. Parce que le but est toujours de sortir de l’extrême pauvreté, et non pas de créer de nouveaux dossiers qui s’empilent dans des archives qui ne servent à rien, remplissent des tiroirs et ne sont finalement que des cimetières de belles promesses.
Nous allons entamer 2016 avec beaucoup d’espérance, de forces, de joie et d’optimisme, parce que nous croyons que c’est seulement ainsi que nous allons combattre la pauvreté qui essaye tous les ans de nous submerger dans le laisser aller et dans l’enfer de la gabegie et du chacun pour soi. C’est seulement ensemble, en tant que Mouvement d’Action et de Solidarité, avec des travaux concrets qui se font immédiatement, que nous allons relever la population, lui faire prendre confiance en elle-même, lui donner le courage et l’envie de se sacrifier pour ses propres enfants, pour sa famille et sa Patrie.
Merci à vous tous qui nous accompagnez depuis 26 ans, et que cet oasis d’espérance que nous avons créé de toutes pièces avec de jeunes malgaches, puisse continuer à exister et à crier que la justice est possible, qu’un monde plus fraternel est possible, et que la paix, elle aussi, est possible.
Merci de rester avec nous dans ce combat local et universel.
Joyeux Noël et Bonne Année 2016 !
Père Pédro