Souvenons-nous!
Discours à la St John’s University
Discours prononcé lors de la remise du prix « Spirit of service », à la St John’s University de New York le 29 octobre 2015.
L’esprit de service
« Je suis très touché que l’université St John’s m’ait octroyé cette reconnaissance d’ « esprit de service ». Je n’ai jamais pensé qu’un jour je viendrais à New York, dans votre université, pour recevoir cette récompense, qui vient d’une université fondé par les prêtres de St Vincent de Paul. J’accepte ce prix en toute humilité au nom de tous les enfants, les jeunes et le peuple d’Akamasoa.
Aujourd’hui il est clair que l’esprit de service diminue dans certaines régions de notre terre. Le profit et le gain de l’argent facile l’emportent, séduisant fortement de nombreux jeunes à travers le monde, par leur côté triomphal et d’efficacité rapide, puisqu’il s’agit de l’argent.
Et en même temps l’esprit de service est toujours présent, parce qu’il faut travailler, se donner, partager avec une grande humilité et une grande simplicité.
Dans cet esprit de service, c’est la personne humaine qui est au centre, la personne humaine dans son entier, humain, matériel et spirituel. La personne humaine est au centre parce que tout doit tourner autour de l’humain : en effet, c’est l’humain qui nous rassemble malgré nos différences de races, de nationalités ou de cultures, c’est l’humain qui est le plus fort et peut nous unir, mais seulement dans cet état d’esprit de service qui peut être accepté, on peut dire, par la plus grande partie de l’humanité.
En tant que chrétien, l’Evangile nous dit qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. C’est une parole forte de Jésus qui peut attirer et séduire des générations à l’infini. Parce que dans l’humain il y aura toujours une part d’idéalisme qui ne mourra jamais. Jésus aussi nous a dit : que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite. Cela veut dire que le service doit être vécu comme un devoir humain évangélique. Dans le service nous n’attendons pas une récompense, mais nous sommes déjà heureux de savoir que notre vie a un sens et qu’elle est utile à la communauté.
Saint Vincent de Paul est un autre exemple pour nous de service aux plus pauvres. Saint Vincent nous a toujours encouragés à aller vers les pauvres, à les respecter, à les aimer et à les mettre debout par le travail, et non pas par l’assistance. Et ce service est un service à long terme, puisqu’aucun changement ne se fait immédiatement. Les grands changements de la personne humaine, dans sa mentalité et son esprit, ne se font que dans le temps, et cela peut durer des années, des dizaines d’années, voire toute une vie.
Saint Vincent a bien compris que pour arriver au cœur des plus pauvres il faut avoir l’humilité, la douceur et la persévérance. Et c’est ce que nous avons essayé de vivre et de concrétiser durant 26 ans à Akamasoa.
Aujourd’hui je voudrais lancer un appel à votre université qui abrite 20 000 étudiants, de porter haut et fort les valeurs évangéliques, les vertus de St Vincent de Paul, et l’idéal humain de servir l’humanité. Parce que c’est seulement en acceptant cet esprit de service que nous pourrons changer quelque chose dans nos vies, et préparer un futur meilleur. Et puisque nous pensons globalement depuis déjà quelques décennies, nous devons apporter ce changement, qui est urgent et nécessaire, non seulement dans un pays, mais à l’échelle du monde entier.
L’esprit de service peut s’appliquer partout, mais surtout dans le monde pauvre. Vivre 42 ans dans ce pays si pauvre qu’est Madagascar, où rien n’a changé, où même la pauvreté a triplé, cela détruit l’humain en nous ; et pourtant il faut continuer d’y croire. Car notre vrai progrès sera quand tous les pays du monde auront vaincu l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avoir faim, ne pas avoir de logement, ne pas pouvoir se soigner, ne pas scolariser les enfants, ni avoir d’eau à boire.
Cela ne doit pas se passer dans des discours ou des paroles, mais doit se traduire dans nos vies et notre quotidien, concrètement, sinon nous restons seulement dans le monde des souhaits, des désirs et des propos.
En toute humilité je vous dis qu’à Akamasoa nous vivons cet état d’esprit. Mais nous savons aussi que cet état d’esprit, basé sur Jésus et saint Vincent de Paul, n’est jamais acquis, et que c’est un combat permanent que nous devons faire tous les jours, nous à Akamasoa, et vous étudiants et professeurs de l’université St John’s.
Encore une fois, un monde plus juste, un monde meilleur, un monde avec plus de partage et un monde fraternel, peut surgir dans n’importe quel pays et société, à condition que nous ayons la foi et la détermination de nous engager à fond, par des gestes quotidiens, petits, mais toujours concrets.
Je vous souhaite, Monsieur le Président de l’université, longue vie, à vous ainsi qu’à tous le corps des professeurs, et à tous les étudiants qui viennent de divers horizons. Je vous dis encore une fois, au nom de tout le peuple d’Akamasoa, merci pour cet encouragement, merci pour votre aide, votre compréhension, merci pour votre fraternité.
God bless you and your university ! »
Père Pédro Opéka